Vous verrez le Ciel ouvert – 9

Vous verrez le Ciel ouvert – IX

Les entretiens de Charles Journet

Notre Père à nous tous n’est rien de moins que Dieu Lui-même. Ce n’est pas un homme fragile comme les pères de la terre, qui ne peuvent longtemps comprendre tout le coeur de leurs enfants. Sa puissance est infinie, et en même temps Sa tendresse est sans bornes. Si cela est tel, comment donc se fait-il que nous puissions nous sentir, à certaines heures, pareillement seuls, pareillement abandonnés? C’est que notre Père est dans les cieux. Et nous, nous ne sommes pas encore avec Lui, nous sommes encore sur la terre. Il faut dire plus: nous sommes au sein des choses de la terre, notre vie est comme enfoncée en elles, et notre coeur lui-même, à certaines heures, est plein de la terre.

Alors c’est la terre qui nous est familière et qui devient effectivement notre suprême patrie; le ciel nous devient comme étranger. Mais quand, tout d’un coup, surgissent de terribles épreuves, quand de vastes calamités s’abattent sur le monde, nous restons comme interdits. Toutes nos paroles habituelles nous apparaissent dérisoires; elles s’évanouissent sur nos lèvres, tout s’obscurcit devant nos yeux, et la lumière de nos âmes elle-même semble nous quitter.

A ce moment, nous éprouvons combien était grande la part d’illusions de nos vies; ce n’est pas seulement la pièce où nous étions attentifs à jouer notre rôle qui s’interrompt, c’est le théâtre lui-même qui s’effondre. Alors, au sein de ces ruines, notre âme immortelle s’émeut en nous, elle sort de son long sommeil, elle montre à la rencontre des cieux où l’Amour éternellement l’attendait.

Notre Père, mon Père, c’est Vous qui êtes dans la patrie définitive; toutes les autres ici-bas, si chères soient-elles, n’étaient que des abris provisoires; elles finissent par s’écrouler et leur catastrophe est d’autant plus amère qu’elles ont été plus douces à nos coeurs. C’est Vous qui êtes ma Patrie, inaccessible au mal, aux coups de force, aux injustices, à la douleur. J’habitais en  exil, et je ne m’en souvenais plus. Maintenant, je sais d’expérience, oh! oui je peux le dire, que les choses du temps sont fragiles, et je sais que ma vraie patrie, ma patrie du ciel, est éternelle. Et je sais aussi, ô merveille, que cette divine patrie n’attend pas que la fin de l’histoire ait sonné p our me recevoir en  elle, mais qu’elle descend sans cesse au-devant de nous pour nous apporter l’éternité au sein du temps, le royaume der Dieu au sein ders royaumes de ce monde, la douceur dans la violence, et la justice au sein de l’iniquité.

Oh! sans doute, il y aura toujours ici-bas des deuils, des cris, des douleurs, mais dans l’âme qui a reconnu son Père des cieux, toutes ces épreuves ne feront plus jamais chavirer l’amour: Son amour est fort comme la mort, Ses ardeurs sont des ardeurs de feu, les grandes eaux ne peuvent éteindre Sa charité, et les fleuves ne la submergeront pas. (Ct 8, 6)

Charles Journet, Entretiens sur Dieu le Père (Paro le et Silence, 1998)

image: Chartreuse de la Valsainte, Charmey / Suisse (acustica-godel.ch)

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