Seigneur, apprends-nous à prier – 62

Pape François

Seigneur, apprends-nous à prier – LXII

La prière est un dialogue avec Dieu; et chaque créature, dans un certain sens, dialogue avec Dieu. Dans l’être humain, la prière devient parole, invocation, chant, poésie… La Parole divine s’est faite chair, et dans la chair de chaque homme la parole revient à Dieu dans la prière. Les paroles naissent des sentiments, mais il existe aussi le chemin inverse: celui selon lequel les paroles modèlent les sentiments. La Bible éduque l’homme à faire en sorte que tout ait lieu à la lumière de la parole, que rien d’humain ne soit exclu, censuré. La douleur, en particulier, est dangereuse si elle reste cachée, enfermée en nous. Une douleur enfermée en nous, qui ne peut pas s’exprimer ou se manifester, peut empoisonner l’âme; elle est mortelle.

C’est pour cette raison que l’Ecriture Sainte nous enseigne à prier également avec des paroles parfois audacieuses. Les auteurs sacrés ne veulent pas nous tromper sur l’homme: ils savent que son cœur abrite également des sentiments peu édifiants, et même de la haine. Aucun de nous ne naît saint, et quand ces mauvais sentiments frappent à la porte de notre cœur, il faut être capable de les désamorcer par la prière et par les paroles de Dieu. Dans les psaumes, nous trouvons également des expressions très dures contre les ennemis – des expressions que les maîtres spirituels nous enseignent à rapporter au diable et à nos péchés -, pourtant ce sont des paroles qui appartiennent à la réalité humaine et qui ont fini dans le cadre des Saintes Ecritures. Elles sont là pour témoigner que si les paroles n’existaient pas face à la violence, pour rendre les mauvais sentiments inoffensifs, pour les canaliser de manière à ce qu’ils ne nuisent pas, le monde en serait entièrement submergé.

La première prière humaine est toujours une récitation vocale. Ce sont toujours les lèvres qui bougent les premières. Même si nous savons tous que prier ne signifie pas répéter des mots, toutefois la prière vocale est la plus sûre et il est toujours possible de l’exercer. Les sentiments, en revanche, pour autant qu’ils soient nobles, sont toujours incertains: ils vont et viennent, ils nous abandonnent et reviennent. Pas seulement: les grâces de la prière sont elles aussi imprévisibles: dans certains moments les consolations abondent, mais dans les jours les plus sombres, elles semblent entièrement s’évaporer.

Nous devrions tous avoir l’humilité de certaines personnes âgées qui, à l’église, peut-être parce que leur ouïe n’est désormais plus très fine, récitent à mi-voix les prières qu’elles ont apprises étant enfants, remplissant la nef de murmures. Cette prière ne dérange pas le silence, mais témoigne de la fidélité au devoir de l’oraison, pratiquée pendant toute une vie, sans jamais y manquer. Ces orants à la prière humble sont souvent les grands intercesseurs des paroisses: ils sont les chênes qui, d’année en année, élargissent leurs frondaisons, pour offrir de l’ombre au plus grand nombre possible de personnes. Seul Dieu sait quand et combien leur cœur était uni à ces prières récitées. Ces personnes ont sûrement dû elles aussi affronter des nuits et des moments de vide. Mais on peut toujours rester fidèles à la prière vocale. Elle est comme une ancre: il faut s’agripper à la corde pour rester là, fidèles, quoi qu’il arrive.

C’est la prière des simples, celle que Jésus nous a enseignée: Notre Père, qui es aux cieux…

Pape François, Catéchèse: La prière vocale / extraits (w2.vatican.va)

image: Eglise Sainte Thérèse, Genève / Suisse (2014)

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