Jésus-Christ ou rien – XXXXI
Bernard Bro
Il en va de l’Eglise comme de notre époque. C’est au moment où la civilisation est la plus puissante qu’elle ne sait plus pourquoi elle l’est. C’est au moment où l’Eglise connaît, après le Concile Vatican II, l’occasion la plus forte, la plus belle de son histoire pour se purifier et retourner à ses sources, qu’elle donne à ses observateurs l’impression d’entrer, elle aussi, dans le doute et le soupçon sur les réalités qui la fondent et dont elle a le dépôt.
Et je ne pense pas pas seulement aux chiffres de ses adhérents, pratiquants ou vocations sacerdotales par exemple. La baisse est accablante et, à vue humaine, sans espoir. Je ne pense pas à ses dissensions internes: elles n’arrêtent pas de défrayer la chronique et de gaspiller inutilement des énergies. Oui, quelle souffrance! Utile ou non?
Je ne pense pas à son influence qui, dans des secteurs entiers de la vie – et des plus graves – est devenue nulle. On ne se soucie même plus de son inefficacité… Je pense au doute, à la peur, aux affaiblissements, aux lassitudes et aux contagions que tous nous subissons. Personne n’est préservé. L’Eglise connaît elle aussi l’épreuve du vide. Ce n’est plus seulement l’hépatite virale du temps de la Réforme, ce n’est pas seulement l’eczéma du jansénisme ou la grippe et le rhume des foins du modernisme, c’est la leucémie qui menace, quand l’objet de la foi dans sa réalité même est mis à l’épreuve.
Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)