Morceaux choisis – 204 / Charles Journet

Charles Journet

Nous savons et nous ne savons pas ce que nous faisons quand nous péchons. Nous savons que nous faisons mal, que nous brisons une pureté en nous, que nous trahissons une fidélité, une liberté, une grandeur. Mais nous ne savons pas le fond de ce mal, l’irréparable qu’il apporte avec lui, quelle liberté, quelle pureté, quelle grandeur il ravage en nous. Plus tard on voudra tant que telle chose n’ait jamais eu lieu.

Surtout, nous mesurons mal la blessure, l’affront, l’offense qu’il fait à Dieu, au Dieu Amour. L’offense du péché, cela veut dire qu’il ne s’élève pas contre un Bien qui serait une chose. Il attaque une Personne infinie, qui m’aime d’un Amour infini, de qui je tiens tout ce qui en moi n’est pas méprisable et qui veut bien me demander mon amour, mon pauvre amour. Je peux le Lui donner: Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui, et nous ferons notre demeure chez lui (Jn 14,23). Je peux lui faire affront, lui faire offense: alors le mal est infini.

Pourtant, le pardon de Dieu répare l’irréparable. Non en faisant que ce qui a été saccagé n’ait pas été saccagé. Mais en faisant fleurir, dans les coeurs où le péché a saccagé les roses du premier amour, leur pureté et leur fraîcheur, les roses sombres, parfois aussi belles, tantôt plus belles, d’un second amour, avec ses repentirs, ses larmes, ses ardeurs.

La première parole du Christ en Croix est une parole d’immense miséricorde pour le monde.

Charles Journet, Les sept paroles du Christ en croix / extrait (Seuil, 1952)

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