Hans-Urs von Balthasar

Le coeur du monde – XII

Je suis la résurrection et la vie. Mais non comme le monde les connaît, cette ronde éphémère de printemps et d’automnes, cette roue de la mélancolie, cette caricature de la vie éternelle. Tout ce qui est vie et mort dans le monde est en même temps une grande mort, et c’est de cette mort que j’éveille à la véritable Vie.

N’ayez pas peur de la mort. La mort est la flamme libératrice du sacrifice, et le sacrifice est une métamorphose. Et celle-ci est une communion en ma vie éternelle. Je suis la vie. Qui croit en moi, qui me mange et me boit, celui-là possède la vie en lui, la vie éternelle, il la possède déjà ici-bas et maintenant, et je le ressusciterai au dernier jour. Comprenez-vous ce mystère? Vous vivez, vous agissez, vous souffrez, et cependant ce n’est pas vous: c’est un autre qui vit, agit et souffre en vous. C’est vous qui êtes le fruit venant à maturité, mais celui qui opère la maturation, celui qui mûrit lui-même, c’est moi. Je suis la force, la plénitude qui se remplit dans le vide de votre être, et l’emplit, mais par là, la plénitude se remplit elle-même dans le vide, et ainsi vous êtes aussi ma plénitude.

Vous avez besoin de moi, car sans moi vous ne pouvez rien faire, et j’ai besoin de vous (quoique je n’aie besoin d’aucune créature) pour manifester ma plénitude en la répandant. Ainsi je vis en vous et vous en moi. Je suis le grain qui tombe dans votre terre et meurt, et lorsque je ressuscite sortant de votre sol, c’est votre semence qui germe et s’élève. Et vous êtes encore le grain de froment qui tombe dans la terre divine, qui meurt dans le baptême et la crucifixion, et lorsque vous ressuscitez, vous êtes ma moisson.

Ainsi vous vivez à vrai dire, mais ce n’est plus vous, c’est moi qui vis en vous. Et c’est pourquoi vous êtes ma propriété, mon fruit, mes sarments. Mais moi aussi je suis votre propriété, car je me suis donné à vous, je suis votre prisonnier volontaire, et vous disposez de moi comme de votre être le plus intime. Vous ne vous appartenez plus, vous êtes devenus le temple de Dieu; mais moi aussi je ne m’appartiens plus, je suis devenu la carrière qui fournit les pierres du temple de l’humanité.

Hans Urs von Balthasar, Je suis la vigne, dans: Le coeur du monde (Desclée de Brouwer, 1956)

image: Carmel du Pâquier, Suisse (carmel-lepaquier.com)

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