Morceaux choisis – 1082 / Antoine Bloom

Antoine Bloom

Nous ne devons jamais oublier que la fin de notre voyage est la rencontre du Christ ressuscité. Tout en admettant l’importance qu’a eue pour les apôtres la Résurrection, certains se demandent si cette expérience des apôtres peut avoir pour nous la même signification centrale. N’est-il pas plus simple de croire en la parole des autres et de fonder notre foi sur quelque chose d’absolument invérifiable?

Je voudrais insister sur ce fait que, seule parmi tous les événements historiques, la Résurrection du Seigneur appartient également au passé et au présent. Le Christ mort sur une croix en un jour précis, le Christ sorti de la tombe dans sa chair humaine glorifiée un autre jour bien précis: cela appartient au passé comme fait historique. Mais le Christ, une fois ressuscité et vivant pour toujours dans la gloire du Père, appartient à l’histoire de chaque jour, de chaque instant, car selon Sa promesse Il est avec nous maintenant et à jamais. On doit donc dire que de ce point de vue l’expérience chrétienne a essentiellement pour objet le fait de la Résurrection, parce que celle-ci est le seul événement rapporté par les Evangiles qui puisse devenir une part de notre expérience personnelle.

Tout le reste, nous le recevons de la tradition, écrite ou orale: le récit de la crucifixion, les divers épisodes rapportés par l’Ecriture; mais, la Résurrection, nous la connaissons d’une manière personnelle; sinon, nous ignorons le fait essentiel de la vie de l’Eglise et de la foi chrétienne. C’est saint Syméon le Nouveau Théologien qui a écrit: Si on n’a rien su de la Résurrection en cette vie, comment peut-on espérer la découvrir et en jouir dans la mort? Seule l’expérience de la Résurrection et de la vie éternelle peut faire de la mort corporelle un sommeil et de la mort elle-même la porte de la vie.

Tournons-nous vers ce fait de la Résurrection et demandons-nous pourquoi il est tellement central, pourquoi saint Paul peut dire: S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité; si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu; (1 Co 15, 13-14). De fait, si le Christ n’était pas ressuscité, toute notre foi, nos convictions, notre vie intérieure, notre espérance, tout reposerait sur un mensonge, sur un fait qui n’aurait jamais eu lieu et ne pourrait servir de fondement à rien.

La joie de la Résurrection est quelque chose que nous devons, nous aussi, apprendre à expérimenter. Mais nous ne pouvons le faire que si nous apprenons d’abord la tragédie de la croix. Pour ressusciter, il nous faut mourir: mourir à cet égoïsme qui nous entrave, mourir à nos craintes, mourir à tout ce qui fait le monde si étroit, si froid, si pauvre, si cruel. Mourir de telle façon que nos âmes puissent vivre, retrouvent la joie, découvrent les sources de la vie. Ainsi la Résurrection du Christ se communiquera à nous. Mais sans la mort sur la croix il n’y a pas de Résurrection, pas de cette Résurrection qui est la joie de la vie recouvrée, la joie d’une vie que nul ne peut nous enlever désormais: la joie d’une vie surabondante, comme un torrent qui dévale les collines, entraîne avec lui le ciel lui-même qui se reflète dans ses eaux brillantes.

La Résurrection est de tous les jours parce que le Christ, une fois ressuscité, est à jamais vivant et que chacun de nous peut le connaître personnellement; s’il en était autrement, nous ne saurions pas encore ce que signifie être chrétien.

Antoine Bloom, La Résurrection et la Croix / extrait (pagesorthodoxes.net)

image: La Résurrection du Christ (byzantinechurchsupplies.com)

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