Chemins de traverse – 934 / Hector Bianciotti

Hector Bianciotti

Le langage est obstiné, qui allègue constamment que l’on existe en dehors de sa propre chair, alors que l’on n’est plus que la somme de quelques habitudes, le souvenir de certaines possibilités, et la manie de penser à quelqu’un qui serait soi, détaché de sa propre image, puis malgré son image. Et souvent rien de plus qu’une sensation, comme ce frisson dans mon dos quand je mesure la violence du vent ou de la pluie derrière la vitre. Je me demande si je ne vais pas m’endormir. L’ombre flexible qui bouge dans le noir vient s’étendre, après un saut en souplesse, sur mes pieds. Ils étaient glacés. Je m’abandonne à mon corps, je me confie à quelque chose que j’ignore, je m’adapte de l’intérieur, je renonce à tout ce qui est lointain, je me retire en moi-même, je me rends, j’immole la dure, la surprenante réalité, je change d’espèce, je reviens à la naissance.

Hector Bianciotti, L’amour n’est pas aimé (coll. Imaginaire/Gallimard, 1986)

image: Hermione, L’homme qui dort (artmajeur.com)

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