Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)
Si favorisée que soit une âme, mon sentiment est qu’il ne serait pas sûr pour elle d’oublier le temps où elle s’est trouvée en misérable état. Ce souvenir, si pénible soit-il, est avantageux à bien des points de vue. Mais c’est peut-être parce que j’ai été pécheresse que j’en juge ainsi, et c’est pour cela que ma pensée se reporte sans cesse de ce côté. Celles qui auront mené une vie vertueuse n’auront pas les mêmes regrets, bien qu’à vrai dire nous fassions toujours des fautes tant que nous sommes dans ce corps mortel.
Cette peine n’est nullement adoucie par la pensée que Notre-Seigneur nous a pardonné nos péchés et les a mis en oubli; elle augmente, au contraire, à la vue d’une bonté qui ne se lasse pas d’accorder des faveurs à une âme qui n’a mérité que l’enfer. Ce dut être là, je pense, un grand martyre pour saint Pierre et la Madeleine. Brûlant d’un si ardent amour, favorisés de tant de grâces, comprenant la grandeur et la majesté de Dieu, pareille vue devait leur être terrible et faire naître en eux les plus tendres regrets.
Thérèse d’Avila, Le château intérieur, dans: Oeuvres complètes (Cerf, 1995)
image: Carmel du Reposoir, France (service-des-moniales.cef.fr)