Marie Noël
De peur qu’elle ne s’échappe, nous enfermons la vérité de Dieu, nous la gardons au tombeau, nous l’entourons de gardes, nous roulons sur elle la lourde meule qui l’empêchera de fuir et nous posons sur la pierre le sceau de l’autorité. Que de précautions, de captivités, de défenses, de menaces, de procès, de sentences pour conserver à jamais inviolé dans son immobilité sacrée, le corps – le cadavre – de Dieu.
Mais Dieu vit, ressuscite, s’échappe malgré le sceau, la pierre, les gardes, et Son Esprit souffle où Il veut dans la campagne.
Il me semble qu’une vérité est d’autant plus vraie qu’elle est plus vivante, qu’elle bouge, évolue, porte à chaque saison des fruits nouveaux; qu’elle est d’autant plus divine qu’elle nous fuit sous une apparence pour réapparaître un peu plus loin sous un autre rayon, d’autant plus éternelle qu’elle reste à jamais inachevée en nous, finis, et change à nos yeux avec l’heure du jour, l’âge de l’homme, le pas des siècles et demeure au fond, pour tous – siècles et hommes -, toujours illuminatrice, toujours nourricière.
Marie Noël, Notes intimes (Cerf, 2012)
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