Jésus-Christ ou rien – 11

Jésus-Christ ou rien – XI

Bernard Bro

Comment vais-je faire pour mourir? Thérèse de Lisieux ajoute: Quelle grâce d’avoir la foi! Si je n’avais pas eu la foi, je me serais donné la mort sans hésiter un seul instant... Que lui reste-t-il pour tenir et avancer? Sa faiblesse, son incapacité, sa détresse, sa nuit, son néant, pour arriver à Dieu et forcer par la confiance, les ténèbres à avoir un sens. Et c’est le cri de la victoire: O phare lumineux de l’amour, j’ai trouvé le secret de m’approprier ta flamme. Thérèse a vécu et compris le retournement décisif de l’espérance. Etre chrétien, cela ne veut pas dire d’abord être quelqu’un de bien. mais au contraire, à cause de son incapacité, apprendre à s’en remettre à un Autre, apprendre à changer de point d’appui, parce qu’alors on offre à Dieu la seule chose qu’il ne peut pas réaliser sans nous: l’offrande de notre liberté.

Accepter de souffrir – sans amertume -, accepter d’être broyé par l’incapacité, par la lassitude, par l’impuissance, peut-être même par le péché, cela devient la voie vers la pauvreté qui obtient tout de Dieu. Thérèse de Lisieux fait d’un coup sauter bien des menaces qui étouffaient depuis des siècles le christianisme, et qui depuis les origines pesaient tellement sur lui. Pour des générations, trop souvent hélas, être chrétien, c’est devenir un héros, devenir quelqu’un de bien, apprendre à être insensible, à l’image des philosophes stoïciens. Il fallait être bien pour s’approcher de Dieu. Thérèse crie l’inverse: sa petite voie est ouverte à tous, et ce qui est le lot de tout homme, du désir au désespoir, peut devenir pour tous, de la nuit à la confiance, le chemin qui trouve Dieu. Ce qui paraissait réservé à des esprits privilégiés, distingués, les grands mystiques, est proposé à tous: notre angoisse, notre peur, notre tentation, notre lassitude, peuvent devenir le chemin de Dieu.

Ici elle rencontre les plus pauvres, les plus démunis, les plus perdus d’entre nous. Et c’est dans la profondeur de la détresse, de l’échec, de l’angoisse que brille l’espérance. Ce que Thérèse a vécu: cette purification et cette illumination de l’espérance, ne serait-ce pas comme l’image providentielle offerte aux chrétiens d’aujourd’hui? Au moment où l’Eglise entre collectivement et individuellement dans l’épreuve, dans des questions, des brouillards, des ténèbres, douloureuses et merveilleuses à la foi, ne serait-ce pas pour nous, chrétiens, le moment de la confiance, l’heure de vérité?

Ma folie à moi, c’est d’espérer… répète Thérèse de Lisieux. N’est-ce pas précisément la seule folie que les hommes attendent aujourd’hui de nous, chrétiens?

Bernard Bro, Contre toute espérance / extraits (Cerf, 1975)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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